UNE PETITE HISTOIRE
Quand dire c’est faire*
Film : Kingdom of Heaven
26 janvier 2012

Au XIIIème siècle, l’aventure extraordinaire d’un homme ordinaire, Ballan,  précipité dans un conflit qui va durer des décennies : les croisades. Etranger sur une terre qui lui est étrangère, il va servir un roi condamné, s’éprendre d’une troublante et inaccessible reine avant d’être fait chevalier.

Il lui faudra protéger les habitants de Jérusalem, dont une immense armée a entrepris le siège, sans jamais cesser de lutter pour maintenir une paix fragile…

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J’adore cette scène : elle s’inscrit dans la « tradition » des scènes de leadership des blockbusters patriotiques américains (dont les point culminants sont ceux de Rolland Emerich : 2012, Le jour d’après, Independance day). Le leader (homme politique, militaire) galvanise l’assemblée au moyen d’un discours portant une vision donnant sens à ce que le peuple vit.   La scène de Kingdom of Heaven (film anglais, par ailleurs) s’en distingue en ce que la démonstration de leadership est suivie d’une scène de parole performative* (ie : quand le parole est acte, comme quand le maire dit aux futurs époux : « je vous marie »). Le discours au peuple est un acte de storytelling qui établit la légitimité de toutes les religions à revendiquer Jerusalem mais surtout se démarque de l’enjeu religieux pour se placer sur le terrain de la défense de la Vie (les habitants de Jérusalem). C’est donc un discours rassembleur qui permet l’action suivante. Puisque chaque habitant de Jérusalem est concerné par sa défense,  chacun est légitime à combattre, quel que soit son rang. C’est la scène de l’adoubement collectif qui fait littéralement exister cette réalité : en quelques mots, Ballan créée une armée, qui plus est galvanisée par le discours visionnaire.

Ce qui permet ce résultat est un dispositif particulier : des rôles (le peuple, le chevalier dépositaire du pouvoir de faire chevalier), un artefact (l’épée, par laquelle se transmet la qualité de chevalier) et un protocole : le storytelling puis l’adoubement). C’est un exemple parfait de dispositif génératif et encapacitant La force de la scène est de montrer que ce type de dispositif  peut se constituer n’importe où dès lors que se fait la bonne combinaison d’éléments.

*Quand Dire c’est faire est le titre d’un ouvrage de J.L. Austin, linguiste, théoricien des « actes de langage ».