UNE PETITE HISTOIRE
Les militaires et la carte magique
23 janvier 2012

Au cours de manœuvres dans les Alpes suisses, le jeune lieutenant d’un petit détachement Hongrois décida d’envoyer un groupe de reconnaissance dans un environnement hostile. Il commença à neiger et la neige continua de tomber pendant deux jours. La patrouille ne revint pas. Le lieutenant craignait d’avoir envoyé ses hommes à la mort, mais la patrouille revint au bout du troisième jour. Qu’avaient-ils fait pendant tout ce temps ? Comment avaient-ils trouvé leur chemin ?

« Oui dirent-ils, nous nous sommes vus perdus et attendions la mort. C’est alors que l’un d’entre nous trouva une carte dans sa poche. Ceci nous calma tous. Nous installâmes le camp pour laisser la tempête se calmer et ensuite, avec la carte, nous nous réorientâmes. Et nous voici ».

Le lieutenant demanda à emprunter cette carte remarquable et la regarda attentivement. À son grand étonnement, il découvrit qu’il s’agissait d’une carte des Pyrénées et non des Alpes ! ».

 

Cette anecdote véridique, citée par Karl Weick, chercheur en psychologie sociale, met en évidence une des caractéristiques d’une équipe performante dans une situation difficile : être capable de sélectionner les informations susceptibles d’éclairer la situation, y compris des informations erronées….mais vraisemblables et se mettre d’accord sur ce qu’est la bonne solution. Or, dans cet exemple la décision est rendu possible par la mise en place d’un dispositif combinant : un objet, la carte, autour duquel les membres du groupe se concertent et convergent sur la direction à prendre. Si elle ne donne aucune information sur le protocole suivi pour faire émerger un consensus, l’anecdote met en évidence le pouvoir d’un artefact lorsqu’on lui attribue une certaine qualité. En réalité, ce sont pas ses qualités intrinsèques (être la carte qui correspond au territoire) mais son pouvoir de régulation des interactions (calmes et réfléchies vs soumises à la panique).